C'est vers la fin de l'année 2019 que j'ai décidé de me concentrer sur l'histoire de la maison située sur la commune de Mondion au sein du département de la Vienne dans laquelle nous vivons. Le service des archives de la Vienne met à disposition des documents en ligne et parmi eux, les recensements des communes du département.
Les registres de recensement remontent à plus de cent ans, mais le plus récent disponible était 1931 et cela semblait donc un bon endroit pour commencer et travailler à rebours.
Ils ne sont pas indexés mais sont simplement des scans des pages originales : heureusement notre commune de Mondion n'a jamais été un grand village donc ce n'est qu'après quelques pages que je suis arrivé à l'entrée pour notre maison. Là, comme il fallait s'y attendre pour une petite ferme, habitaient le fermier et sa femme mais également répertorié était Pierre Bompard né en 1890 à Verdun et sa femme Juliette qui ont tous deux indiqué pour leur métier «peintre».
Étant britannique, ma connaissance du français est limitée, donc je ne savais pas si cela signifiait qu'ils étaient tous les deux artistes ou s'ils étaient peut-être plus habitués à peindre les murs et les plinthes.
L'autre chose qui a attiré mon attention était que Pierre Bompard était né à Verdun qui se trouvait à l'autre côté de la France près de la frontière avec le Luxembourg, tandis que tous les autres habitants étaient nés à Mondion même ou dans l'une des communes voisines.
Une recherche rapide sur Internet a révélé que Pierre Bompard était en effet un artiste - et bien connu.
Une nouvelle recherche sur Internet a montré des images de certaines de ses oeuvres. La plupart étaient des scènes de bateaux et du littoral breton mais une se démarque. C'était une scène d'une étable avec du bétail et des poulets et était instantanément reconnaissable comme l'étable attachée à l'arrière de notre maison.
La disposition des poutres et des piliers est toujours la même ainsi que la façon dont la lumière entre par la fenêtre : je peux dire qu'elle a été peinte en fin d'après-midi en été.
L'image faisait partie d'un site Web pour un site d'enchères et il semblait que cet oeuvre avait été vendue aux enchères il y a plusieurs années, mais on ne sait pas où elle se trouve aujourd'hui.
L'étable- Pierre Bompard
"Pierre Bompard est un peintre, graveur, illustrateur, fresquiste, aquarelliste et lithographe français né en 1890 à Verdun.
C'est à l'académie Jullian que Pierre Bompard s'initie à la peinture.Il y rencontre entre autres Georges Braque, Dunoyer de Segonzac, et Legueult.
Il réussit ensuite le concours d'entrée à l'Ecole nationale des Beaux-Arts de Paris et, au cours de ses études, s'oriente vers un réalisme sobre et très structuré.
Bompard expose ses premières toiles en 1911 au Salon des Indépendants.
Après la première guerre mondiale, Bompard recommence à peindre et expose en 1924 au salon des Tuileries.
Il est vite reconnu comme un des peintres d'avenir de la Jeune Peinture française, cette mouvance qui se démarquait par sa fantaisie et sa liberté des peintres du Retour à l'Ordre . Aux côtés de Yves Alix, Georges Rouault, Maurice Asselin ou Boussingault, il est diffusé et exposé par le marchand d'art renommé Paul Guillaume. Il installe son atelier dans le 15eme arrondissement de Paris, 6 rue de la Saïda.
Sa notoriété ne cesse de grandir et lui obtient de nombreuses commandes de grandes décorations murales.
L'hôtel Lutetia lui commande pour ses salons des décorations sur le thème de la mer et des navires.
En 1938, Bompard décore la rotonde du Collège de France de deux allégories de la Physique et de la Chimie..
Il expose au salon d'Automne dont il devient membre du comité.
Passionné par la mer, son ascendance lorraine ne l'empêche pas de choisir la Bretagne comme seconde patrie. Il peint la mer et les marins et ses scènes de vie maritime lui forgent une réputation appréciable. Il s'installe quelque temps à Carnac. Ses paysages bretons prouvent l'attachement qu'il éprouve pour cette région.
Il est nommé peintre officiel de la marine en 1936.
Bompard a été choisi pour décorer le grand salon de la préfecture du Morbihan, à Vannes. Il choisit de représenter la chapelle Saint-Fiacre du Faouët, le passage de Saint-Armel et le château de Josselin.
En 1957, Pierre Bompard part pour un séjour de onze mois en Polynésie française. Il est frappé par l'état d'abandon dans lequel se trouve la tombe de Gauguin et propose au gouverneur de Polynésie de la restaurer. Bompard edifie alors à ses frais un monument funéraire en pierres volcaniques rouges et noires que l'on peut toujours voir dans le cimetierre de Hiva Oa.
Bompard rapporte de ce séjour de nombreuses oeuvres, dont beaucoup d'aquarelles.
Pierre Bompard a été marqué par sa rencontre, à l'académie Jullian, de Georges Braque. Toutes ses oeuvres ne portent pas l'empreinte du cubisme, car Bompard a su évoluer avec son époque..
Mais elles possédent toutes une grande rigueur dans la composition, une palette sobre mise au service du dessein du peintre.
Ses paysages notamment, ses scenes de la campagne ou de la vie des marins sont traitées avec une grande attention aux masses et aux volumes, et mis en valeur avec des coloris sourds.
Son oeuvre décorative est plus exubérante, mais toujours très architecturée.
Ce sont dans ses oeuvres en mer, peintes durant ses engagements comme peintre de la marine que Bompard développe une tout autre facette, avec des coloris très gais, des aquarelles lumineuses où il se laisse porter par la blancheur du papier comme source de lumière.,
Bompard meurt à Paris en 1962 . Il repose à VERDUN"
La tombe de Gauguin
J'en savais donc maintenant un peu plus sur la vie de Pierre Bompard.
Je savais aussi qu'il avait écrit un petit livre sur son voyage en Polynésie et la restauration de la tombe de Gauguin intitulé "Ma Mission Aux Marquises".
J'ai eu la chance d'en trouver un exemplaire en ligne dans une librairie à Paris et j'ai été ravi de constater à son arrivée qu'il y avait un message écrit à la main de Juliette Bompard qui disait:
"A la charmante Jacqueline et a Herve Baille - en souvenir de leur ami et des fous jours d'Oceanie, affectuesement Juliette Bompard."
Herve Baille a été nommé Peintre de la Marine en 1947. Membre du Comité des dessinateurs humoristes, il expose au Salon des humoristes et figure aux expositions d'art fantaisiste de Lyon, Bordeaux, Barcelone, Bruxelles et Berlin. D'abord abondant fournisseur des petits journaux comiques, il a, plus tard, davantage recherché l'interprétation des thèmes littéraires. La compagnie Air France fit appel à lui pour illustrer ses affiches et prospectus dans les années 1940.
En 1955, il crée une série d'annonces pour "La vache qui rit."
Une autre section du livre de Pierre Bompard donne une idée du cercle dans lequel il a vécu. Il a écrit:
Il faut dire aussi que j'eus la chance d'être mêlé à divers milieux artistiques où le talent le disputait à la célébrité. Chez mon ami, le sculpteur cubiste Henri Laurens, je ne fis pas seulment la connaissance, avant 1914, de Serge Diaghuilef, de Nijinsky, de la Pavlowa et de la Trouanowa. J'y ai connu les cubistes de la "Section d'or" avec Braque, Juan Gris, Picasso (de cette heureuse époque) ... Dans le milieu indépendant, j'ai fréquenté Paul Signac et Maximilien Luce. Enfin, plus récemment, une grande amitié m'a lié avec André Derain dont j'ai organisé, il n'y a guère, la rétrospective au Salond'Automne, avec le concours d'un autre ami, Dunoyer de Segonzac.
Parmi cette liste de noms, j'ai alors eu la chance de trouver l'image d'une photographie probablement prise vers 1935 montrant André Derain et sa femme Alice avec Pierre et Juliette Bompard et Pierre Devaux déguisés.
De gauche à droite: André Derain costumé en officier d'Empire, Juliette Bompard, Alice Derain en Duc de Reichstadt, Pierre Bompard (peintre de marine) et Pierre Devaux (caricaturiste).
Mon objectif initial de découvrir l'histoire de notre maison m'avait conduit sur de nombreuses routes différentes, et jusqu'à présent je n'avais regardé que 1931!
Plus tard, j'ai finalement retrouvé et acheté la peinture de l'étable et elle est maintenant revenue à sa maison d'origine.
Au dos de la photo, il est dit qu'elle a été présentée à l'origine lors d'une exposition à Paris en 1928.
La présence de Pierre Bompard chez nous en 1931 n'était donc pas la première fois qu'il y séjournait.